RED HOUSE
RED HOUSE
Nicolas Fenouillat, 2017
52,5cm x 72,5cm
transfert sur papier, peinture, mine de crayon
Dessin unique
Maison :
Abri, construction, local, demeure, architecture, toit, bâtiment, bâtisse, habitat, logement, logis, bicoque, bercail, masure, chaumière, tipi, igloo, isba, kasbah, château, palais, pavillon, bungalow, chalet, appartement, domicile,
cocon, foyer, famille, intérieur, domestique, chez soi, résidence,
refuge, asile, bordel, prison, hôpital, institut…
La maison symbolise toujours l’espace intime, privé, secret ou sacré…
Protection vs étouffement…
Mais aussi maison à entendre dans le sens :
entreprise (commerciale ou industrielle),
famille noble,
ensemble des personnels attachés au service d’un grand personnage,
en astrologie, chacune des douze divisions du ciel qui concerne les conjonctures formant les trames de l’existence.
La maison se fait objet de représentation artistique la plus diverse.
Rouge :
Magenta, vermillon, écarlate, garance, pourpre.
Profond, dense, enveloppant, criard, strident, agressif, violent, lumineux ou sombre… jamais neutre, jamais tiède !
Dans la gamme chromatique, la couleur rouge constitue la limite basse du spectre solaire visible, les radiations passant ensuite dans l’infra rouge.
Couleur associée à la vitalité, la vigueur, l’instinct combatif, le désir amoureux.
Peu présente dans la nature, sa rareté en fait une couleur d’exception qui symbolise la puissance, le pouvoir et la souveraineté. La couleur rouge est traditionnellement en Chine moderne, celle du bonheur et de la réussite.
Le feu, la chaleur, les émotions, l’amour ou la haine, la passion, la violence, le sang, l’interdit, l’érotisme… le rouge ne peut être anodin. Les associations que le rouge apporte ouvrent sur un vaste territoire : aussi bien les violences urbaines que les éléments déchainés de la nature et induisent sa vibration, ses tons dramatiques et sa beauté intrinsèque.
Rouge à lèvre de la mère ou la maîtresse, cerise sur le gâteau, goutte de sang, rouge du drapeau, robe d’un vin, incandescence d’un incendie, Stop, feu rouge…
Icônes byzantines, Goya, Matisse, Malevitch, Rothko, Kapoor, Fromanger, Kusama, Raynaud…
Maison & Rouge
Deux symboles forts, qui, une fois réunis, ouvrent à tous les imaginaires.
Les maisons rouges dans l’art sont florès :
Monet, Munch, Malevitch… 3 grands M de l’histoire de l’art…
Pour ma part, ma relation à ces deux mots existe depuis ma naissance, ce n’est pas un pseudonyme, mais bel et bien mon patronyme.
Objet de nombreux commentaires… des quolibets à l’admiration… ce nom traduisible en toute langue se prête à toutes les inventions.
Source d’association erronée, et de méprise également : du chevalier de Maison Rouge d’Alexandre Dumas à Jacques Maisonrouge directeur pendant un temps d’IBM et surtout, depuis plus de 10 ans, référence à la Fondation La Maison Rouge d’Antoine de Galbert à la Bastille… qui vient d’annoncer qu’elle ferme ses portes !
Repris dans de très nombreux lieux dits en Europe en raison des constructions de briques rouges qui jalonnaient les voies romaines et servaient de repères visuels en abritant des relais de poste ou de restauration, ce nom fait figure de paysage familier.
Relevant d’une mythologie personnelle ou d’une imagerie commune cette association de mots et d’images prête le flanc à toutes les interprétations ou visions.
C’est l’objet justement ce cette proposition, née de la rencontre entre deux Isabelle. J’aime le dessin de maison rouge qu’a réalisé il y a quelques temps l’artiste Isabelle Levénez que j’ai acheté, et en discutant toutes les deux nous avons eu cette envie de demander à des artistes comment ils perçoivent cette réunion entre maison et rouge, « s’il vous plaît dessine moi une maison rouge », et de les réunir en prétexte à une exposition.
Avec une telle proposition le nom du curateur devient l’objet de l’exposition, le patronyme devient sujet, mais aussi marque visuelle, voire logo… Par un retournement propre à l’art contemporain qui pousse les limites de son propre champ d’action pour en révéler la porosité, cette invitation déjoue, ou en tout cas, se joue des codes classiques de l’exposition. Elle porte aussi sa charge ironique sur le curateur/auteur qui parle plus fort que les artistes ou que les œuvres… puisque depuis la fin des années 1990, la signature du commissaire d’exposition est quasiment autant mise en valeur et remarquée que celle de l’artiste ou du thème présenté. Pour ma part je préfère paraphraser Roland Barthes et dire à sa suite « c’est l’art qui parle, ce n’est pas l’auteur ».
Un clin d’œil également à Bertrand Lavier qui avait invité Jean Hubert Martin à préfacer le catalogue d’exposition dans lequel l’artiste avait lui-même endossé le rôle de commissaire, comme geste artistique, en produisant une rétrospective sur « La peinture des Martin de 1603 à 1984 » pour la Kunsthalle de Berne en 1984.
Un hommage aussi, à la première série Portraits d’homonymes (1999) réalisée par Edouard Levé où il présentait des gens “ordinaires” répondant aux noms de Fernand Léger, Georges Bataille, Yves Klein… dans une réflexion sur l’identité faussée, plutôt que fausse, qui prête à confusion, ou fictive.
Ce projet d’exposition interroge également la collection.
La collection est avant tout le résultat d’un acte de collecte. Elle est un outil de mémoire qui alimente l’utopie de la résistance au temps. Dans ce cas précis, dans le cadre de l’art contemporain et dans celui d’une thématique imposée, elle est aussi l’ensemble de témoignages d’individus sensibles à leur société et apportant leur vision personnelle.
Elle porte en elle sa puissance mémorative. Organiser la collecte et la collection est implicitement l’objet d’une expérience.
« La collection peut être un chemin, l’allée d’objets qui conduit à ce secret de l’objet.
La Cause de l’objet » écrit Gérard Wajcman. Et Rousseau, parlant de sa passion pour la botanique à l’œuvre dans l’herbier, ouvre ce chemin, dans la septième promenade des Rêveries: « Toutes mes courses de botanique, les diverses impressions du local des objets qui m’ont frappé, les idées qu’il m’a fait naitre, les incidents qui s’y sont mêlés, tout cela m’a laissé des impressions qui se renouvellent par l’aspect des plantes herborisées dans ces mêmes lieux (…) C’est la chaine des idées accessoires qui m’attache à la botanique. Elle rassemble et rappelle à mon imagination toutes les idées qui la flattent davantage ».
C’est donc à une promenade sur un chemin ponctué de maisons rouges que nous vous convions, pour faire saillir la chaine des idées accessoires, avec des artistes de la scène française ayant traité de cette thématique (œuvres déjà produites ou œuvres réalisées pour l’occasion)
Enfin, puisque la maison devient ainsi le personnage central de cette déambulation autant visuelle qu’imaginative, que la chaleur du rouge tend à évoquer le confort du coin du feu, nous voulons avoir une pensée et un geste pour ceux qui n’ont pas d’abri contre ce froid hivernal. Ainsi une partie des ventes sera offerte à l’association de la soupe Saint Eustache qui sert plus de 250 repas chauds, chaque jour de l’hiver au cœur de Paris.
Isabelle de Maison Rouge